J’ai bossé 14 jours sans dormir : le récit poignant d’un soignant en urgence durant l’été

Le témoignage poignant d'un soignant ayant travaillé 14 jours sans sommeil, face aux défis des urgences hospitalières en été.

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L’été dans les urgences hospitalières ne ressemble jamais à ce que l’on pourrait imaginer. Entre la canicule, le manque de personnel et une affluence inédite, il arrive parfois que les limites humaines soient repoussées jusqu’à l’extrême. Voici le témoignage d’un infirmier ayant vécu quatorze jours consécutifs presque sans sommeil, au cœur d’un service où chaque minute compte. Plongée dans un quotidien rythmé par le travail de nuit, l’épuisement professionnel et des conditions de travail difficiles.

Comment survit-on à 14 jours sans dormir ?

Certains diront que c’est impossible, mais dans les services saturés, la réalité dépasse souvent la fiction. Le témoignage de soignant se répète : deux semaines sans répit, avec parfois seulement quelques micro-siestes volées entre deux urgences vitales. Les horaires décalés et les rythmes biologiques perturbés deviennent la norme lors des pics d’activité estivaux.

Cet été-là, une vague de chaleur accablante couplée à une série d’absences imprévues a bouleversé l’organisation du service. Pas question pour l’équipe de laisser tomber les patients. Pour tenir cet incroyable marathon, toutes les astuces sont bonnes : cafés allongés, rituels pour tenter de rester éveillé, voire techniques de respiration rapides pour stimuler le corps quand la fatigue extrême menace de prendre le dessus.


Quels impacts sur la santé mentale ?

Tenir physiquement n’est qu’une partie du défi. Sur le plan mental, les effets se font ressentir très rapidement. L’accumulation des gardes, la responsabilité face à la détresse des malades, la peur de commettre une erreur en raison d’un cerveau embrumé… tous ces facteurs pèsent lourd sur le moral et contribuent au développement du burn out.

Les troubles du sommeil persistants, même après cette période extrême, reviennent souvent dans les témoignages de soignants. Nuits agitées, réveils en plein cauchemar ou difficultés à relâcher la pression sont devenus monnaie courante chez ceux qui ont traversé de telles épreuves. La santé mentale reste en équilibre précaire longtemps après le retour à une vie moins intense.

Le corps sous tension constante

La privation de sommeil attaque directement l’organisme. Troubles digestifs, douleurs musculaires, difficulté à supporter le bruit et la lumière : rien n’épargne celui qui doit continuer malgré tout. Les erreurs de jugement ou oublis augmentent naturellement lorsque la vigilance chute.

L’ajustement aux shifts nocturnes perturbe profondément les rythmes biologiques. Certains collègues racontent finir leurs gardes incapables de se rappeler certains gestes, comme si leur mémoire avait été laissée ailleurs. Cette sensation de naviguer en mode automatique laisse forcément des séquelles durables.

Urgences hospitalières : une pression hors norme

Ce type de situation se retrouve plus fréquemment qu’on ne le croit lors des périodes critiques. Chaque année, de nombreux témoignages de soignants mettent en lumière ce que vivent celles et ceux en première ligne. Ils affrontent des flux de patients ininterrompus et doivent prendre des décisions difficiles, tout en cherchant à préserver leur propre équilibre.

Les personnes travaillant dans les urgences hospitalières composent avec une charge mentale colossale. Certaines situations, comme les accidents de la route ou la gestion simultanée de plusieurs cas graves, nécessitent une concentration extrême même après plusieurs heures sans pause digne de ce nom.

Épuisement professionnel : quand le corps dit stop

L’épuisement professionnel guette dès que le rythme effréné devient la règle. De multiples signes d’alerte apparaissent vite : irritabilité, perte de plaisir au travail, sentiment d’incompétence. Nombreuses sont les infirmières et soignants qui avouent tenir jusqu’au point de rupture, redoutant d’abandonner leurs collègues.

Parfois, cet épuisement se manifeste brutalement : crises de larmes incontrôlables, effondrement soudain ou impossibilité totale de retourner travailler. Ces conséquences ne sont ni rares ni isolées, elles forcent à repenser la manière dont est structurée la prise en charge humaine dans ces espaces vitaux.

La solidarité de l’équipe pendant la tempête

Face à l’urgence, la solidarité joue un rôle crucial pour encaisser le choc. Dans le feu de l’action, chacun essaie de repérer les signes de faiblesse chez les autres et d’offrir une pause à celui ou celle qui ne tient plus debout. Sans cet esprit collectif, peu réussiraient à franchir la barre des quelques jours, encore moins à survivre à deux semaines aussi intenses.

Certaines équipes instaurent même des rituels impromptus : éclats de rire à 4 heures du matin devant un café froid, partages de vivres glissés dans les vestiaires, messages furtifs pour se donner du courage. Ce sont souvent ces petits gestes qui permettent à l’ensemble de tenir jusqu’au bout.

Quelles conséquences au long terme pour les infirmières et soignants ?

La répétition d’expériences aussi éprouvantes laisse forcément des traces indélébiles. Beaucoup de professionnels expriment des difficultés à retrouver un sommeil réparateur, la persistance de troubles anxieux, et une relation modifiée avec le temps de repos.

L’impact ne touche pas que la sphère professionnelle. Il rejaillit aussi dans la vie personnelle : relations tendues avec les proches, absence lors de moments-clés, incapacité à profiter du temps libre par peur de manquer un appel d’urgence. Tant que l’appréhension du retour dans le service plane, le répit véritable semble inaccessible.

Rythmes biologiques perturbés et déséquilibres chroniques

Revenir à la “normale” n’a rien d’évident. Même quand le rythme de travail ralentit, l’horloge interne refuse parfois de se recaler correctement. Insomnies fréquentes, alternance jour-nuit mal supportée, difficulté à s’endormir les jours de repos : autant de manifestations bien connues des spécialistes du trouble du sommeil.

Au fil du temps, certains choisissent de consulter pour reprendre la main sur leur hygiène de vie. Pourtant, beaucoup restent silencieux par crainte de stigmatisation ou par fatalisme. Le risque de tomber dans un cycle menant au burn out augmente alors dangereusement.

Prévention : quelles pistes envisagées dans les urgences hospitalières ?

Face à ces défis, différents leviers peuvent améliorer la situation. Augmenter les effectifs, repenser l’organisation des plannings, permettre des rotations moins contraignantes figurent parmi les revendications majeures des personnels concernés.

Des solutions alternatives voient aussi le jour. Prise en compte plus active de la santé mentale dans le suivi post-crise, groupes de parole pour exorciser les expériences traumatisantes, ou formation spécifique à la gestion de la fatigue chronique sont adoptés çà et là.

  • Optimisation des relais entre équipes pour limiter la durée des phases de veille prolongée ;
  • Espaces dédiés au repos rapide au sein des services ;
  • Suivi psychologique accessible et confidentiel pour favoriser le signalement précoce des souffrances ;
  • Ajustements médicaux adaptés aux rythmes particuliers du travail de nuit ;

Réflexions sur l’engagement et le sens du métier

Quatorze jours vécus presque sans dormir marquent à vie. Au-delà de l’épuisement physique ou des troubles du sommeil, se dessinent les contours d’une vocation forgée dans la puissance du collectif. Les infirmières et soignants interrogés insistent sur la fierté d’avoir tenu, même contre toute logique. Mais derrière cette force affichée se cache la peur d’y revenir trop souvent, la lassitude de voir les alertes non entendues.

Malgré les risques de burn out, l’attachement au métier demeure fort. La satisfaction d’avoir aidé, sauvé ou simplement accompagné n’efface pas les blessures, mais elle nourrit le désir de poursuivre. Pourtant, nombreux réclament aujourd’hui davantage de reconnaissance de la spécificité de ce métier, au croisement permanent de l’urgence et du don de soi.

Crédit photo © LePointDuJour


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