Santé : cette punaise nocturne qui cible le visage inquiète les experts

Ce que fait vraiment la « punaise qui embrasse »

Le terme recouvre plusieurs espèces de triatomines (kissing bugs) comme Triatoma, Rhodnius ou Panstrongylus. Actives la nuit, elles sont attirées par le CO₂ et la chaleur du visage. La piqûre est discrète, souvent indolore, sur les lèvres, les joues ou la paupière.

Le danger vient moins de la piqûre que des excréments déposés juste après le repas sanguin. Le parasite T. cruzi pénètre quand on se frotte la zone piquée ou via la conjonctive. Le risque augmente en habitat précaire: murs fissurés, toits de chaume, niches d’animaux.

Du bouton nocturne au diagnostic de Chagas

Dans la phase aiguë, on peut observer fièvre, fatigue, ganglions et un « signe de Romaña »: gonflement d’une paupière si l’œil a été contaminé. Beaucoup de personnes restent asymptomatiques. Des années plus tard, une atteinte cardiaque ou digestive (mégaœsophage, mégacôlon) peut apparaître sans alerter au départ.

« 6 à 7 millions de personnes vivent avec la maladie de Chagas, majoritairement en Amérique latine » — estimation OMS.

Des cas surviennent chez des voyageurs, des migrants ou par transmission mère-enfant. En Europe et en France, le risque vectoriel local reste très bas car les triatomines domestiques ne sont pas établies. Le dépistage des dons de sang réduit le risque transfusionnel.

Où se situe le risque et comment s’en protéger

Le cœur de l’endémie se trouve du sud des États-Unis au nord de l’Argentine et du Chili. Les pays les plus touchés varient selon la présence d’espèces domestiques comme Triatoma infestans ou Rhodnius prolixus. Des cas autochtones existent dans le sud des États-Unis, avec des réservoirs animaux (chiens, opossums).

• Restez dans des logements avec moustiquaires intactes, fenêtres grillagées et fissures colmatées
• Utilisez une moustiquaire imprégnée et des répulsifs cutanés autorisés
• Traitez vêtements/duvet à la perméthrine selon notice
• Évitez toits de chaume, murs en adobe non enduits et litières d’animaux dans la chambre

Des programmes de contrôle vectoriel, menés par les autorités locales et l’OPS/PAHO, réduisent fortement les infestations domestiques. Cela passe par des pulvérisations d’insecticides à effet rémanent et l’amélioration de l’habitat. Les campagnes de dépistage chez les femmes enceintes limitent la transmission congénitale.

Pour les voyageurs, adoptez des réflexes simples. Inspectez tête de lit, fissures, cadres et abat-jour avant de vous coucher. Si vous trouvez un insecte allongé, à tête conique et bord d’abdomen rayé rouge/orange, éloignez-vous et prenez une photo pour l’identifier.

En cas de piqûre nocturne au visage avec gonflement, lavez la zone et évitez de frotter. Consultez si vous revenez d’une zone à risque. Un test sérologique peut être discuté avec un infectiologue, surtout après séjour prolongé en zone rurale.

Différence avec la punaise de lit

La punaise de lit (Cimex) est ovale, plate, brun rouge et sans ailes. Elle ne transmet pas T. cruzi. Les triatomines sont plus grandes, ailées, avec tête triangulaire et motifs colorés sur les bords de l’abdomen.

Le schéma de piqûre diffère. Les punaises de lit laissent souvent des lignes de boutons prurigineux sur le corps. Les triatomines ciblent fréquemment le visage et la contamination vient des déjections, pas de la salive.

Symptômes, dépistage et traitements validés

Phase aiguë: fièvre, céphalées, malaise, parfois éruption et œdème palpébral. Phase chronique: cardiomyopathie arythmogène, insuffisance cardiaque, troubles de conduction, ou atteinte digestive progressive. Beaucoup de patients ignorent l’infection pendant des années.

Le diagnostic repose sur sérologies en phase chronique, avec deux tests de méthodes différentes pour confirmer. En phase aiguë, la parasitémie permet une PCR ou un frottis, selon les capacités des laboratoires. Le suivi cardiologique détecte précocement les anomalies.

Le traitement antiparasitaire repose sur le benznidazole ou le nifurtimox. L’efficacité est maximale en phase aiguë et chez le nourrisson. Chez l’adulte chronique, la décision se discute au cas par cas, en tenant compte des bénéfices et des effets indésirables.

Cas pratique: une voyageuse revient d’un séjour rural en Bolivie avec un œdème d’une paupière apparu la nuit. L’interrogatoire, la photo de l’insecte et la sérologie orientent vers un Chagas aigu. Un traitement par benznidazole est initié rapidement avec surveillance clinique et biologique.