Dans les galeries glacées de Kiruna, en Laponie, la Suède vise le titre européen des terres rares qui équipent vos batteries

Kiruna, Laponie: la Suède veut ses terres rares. Aimants pour voitures et éoliennes. Promesses, risques, voix sámi. Ce pari peut-il tenir ?

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Dans le froid sec de la Laponie, la mine de Kiruna change d’échelle. Au-delà du fer, la Suède se prépare à extraire et séparer des terres rares, ces métaux clés des aimants pour voitures électriques et éoliennes. Une promesse pour l’Europe, et un test social et écologique pour tout un territoire.

Au cœur de Kiruna, une promesse pour l’Europe

Aux aurores, le crissement de la neige répond au grondement des camions de LKAB. La mine descend au plus profond, là où la roche sombre garde sa chaleur. Sur la ligne, le minerai file vers Narvik, en Norvège, par la voie ferrée arctique. Ici, chaque geste compte, car le gisement dicte le rythme.

L’annonce de Per Geijer a posé un jalon: un gisement de terres rares connu comme le plus vaste d’Europe, selon LKAB. Néodyme, praséodyme, dysprosium: des noms de laboratoire, mais des usages très concrets. Des aimants plus compacts, des moteurs sobres, des éoliennes plus fiables. Le site mise sur la transition énergétique autant que sur l’emploi local.

« On travaille sous la glace et la roche. On sait que ce qui sort d’ici peut changer la donne pour la Suède, mais on veut que ça change nos vies sans abîmer nos terres », confie un mineur en fin de poste.

Ce que contient le gisement et à quoi il sert

À Kiruna, la magnétite livre du fer, mais les circuits de traitement peuvent capter des flux riches en phosphore et en terres rares. L’idée: récupérer des concentrés, puis séparer les éléments utiles aux aimants. Les métaux visés, comme le néodyme et le praséodyme, portent la traction des moteurs. Le dysprosium renforce la tenue en température.

Selon LKAB, les volumes identifiés à Per Geijer dépassent le million de tonnes équivalent oxydes. Ce potentiel reste à qualifier, car la géologie varie au fil des veines. Les essais pilotes doivent valider les procédés de raffinage et de séparation. Sans cette étape, la valeur fuit vers l’Asie.

Un pari industriel pour la Suède et l’UE

La Suède veut bâtir une chaîne complète: mine, traitement, séparation, puis aimants. Le cadre européen, avec le Critical Raw Materials Act, pousse à sécuriser des volumes en Europe. L’option d’une unité à Luleå revient souvent, proche des autres sites LKAB. La sidérurgie verte, via HYBRIT et l’hydrogène, crée des synergies d’énergie et de compétences.

La logistique joue déjà un rôle central. Le rail arctique (Malmbanan) relie Kiruna aux ports de Narvik et de Luleå. LKAB étudie la production conjointe d’engrais phosphatés et de terres rares, pour mieux valoriser chaque flux. Les permis, les garanties financières et la montée en puissance s’étalent sur la décennie.

« Nous avons besoin d’engagements clairs, de consultations et de preuves. Les rennes suivent des routes anciennes, et la mine doit respecter ces chemins », affirme un éleveur sâmí.

Sur le terrain, la filière cherche des techniciens, des chimistes, des géologues. Des programmes de formation arrivent, du lycée au campus, pour ancrer les compétences en Laponie. Les laboratoires suédois testent des solvants plus propres et des circuits fermés d’eau. L’objectif: produire en Europe des matériaux avancés, avec un impact maîtrisé.

La face cachée: impacts et garde-fous

Extraire des terres rares soulève des défis: résidus, eau, énergie. LKAB promet des procédés sobres, des bassins sécurisés et une traçabilité fine. La mine mise sur l’électricité bas carbone et des engins sans diesel. Les contrôles devront suivre, car l’acceptation dépend de preuves et de transparence.

Le facteur humain reste central à Kiruna. La ville a déjà vécu des déménagements liés à l’affaissement du sol. Les familles veulent de la stabilité, des écoles, des services. Les peuples sámi demandent des garanties sur les pâturages, la quiétude des troupeaux, la qualité de l’eau.

Calendrier, obstacles et signaux faibles

La complexité ne manque pas. Les gisements de terres rares varient à petite échelle, ce qui complique la planification. Les prix mondiaux bougent vite, sous l’effet des politiques et de la demande. La Chine garde une avance nette dans le raffinage et les aimants.

Pour réussir, la Suède doit attirer des partenaires des secteurs auto, éolien, défense et électronique. Des contrats d’achat à long terme peuvent soutenir l’investissement. Les outils publics comptent: Banque européenne d’investissement, garanties, achats communs. La visibilité de la chaîne de valeur réduit les risques.

Le transport nordique reste un point de vigilance. La ligne Malmbanan a déjà subi des coupures et des travaux lourds. Le climat change, la logistique doit se renforcer, des hubs de stockage s’imposent. La résilience vaut autant que la teneur du gisement de Kiruna.

Crédit photo © LePointDuJour


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